Initié par le Syrpa, le réseau des communicants en agriculture, le Grand Débat est coorganisé avec le salon spécialisé en élevage, le Space et l’association Agriculteurs de Bretagne. Celui-ci vise à faire avancer la réflexion sur la communication de l’agriculture et en agriculture.

Pour cette édition 2020, animée par Laurent Péron du cabinet Evoxya et co-responsable du Syrpa Ouest, cinq invités ont tenté, le 16 septembre, de répondre à la question complexe : l’impossible pédagogie de l’élevage : comment reconnecter les consommateurs et les éleveurs ?

 

Pourquoi parler de déconnexion ?

L’état des lieux, réalisé par Florence Gramond, directrice du département agriculture du groupe BVA, laisse apparaître, en effet, un fossé cognitif et un déficit de communication entre les mangeurs et les agriculteurs. Trois éléments se distinguent :

  • Les Français admettent une grande, voireune très grande méconnaissance de l’élevage. 65 % des Français déclarent, en effet, être ignorants des modes de culture des aliments et 58 %, mal connaître les techniques d’élevage.
  • Cependant, la vision fragmentaire des consommateurs sur l’agriculture ne les empêche pas d’avoirun avis tranché sur ce que devrait être l’agriculture. 58 % pensent, par exemple, que l’élevage est « trop » intensif, industriel et que celui-ci contribue à la déforestation (31 %)
  • En raison de leuréloignement des zones de production des aliments, les citadins ont, ainsi, l’impression d’avoir perdu le contrôle de leur alimentation. Les consommateurs éprouvent donc beaucoup de difficulté à comprendre les efforts des agriculteurs en termes de transparence et de qualité. Ainsi, les Français les estiment insuffisamment investis dans une agriculture respectueuse de leur santé et de l’environnement.

Il en résulte une image contrastée. Le grand public apprécie les agriculteurs, mais se méfie de l’agriculture. Or, les agriculteurs doivent pouvoir compter sur le marché intérieur pour les soutenir. Pour autant, grâce à leur capital sympathie auprès des consommateurs, les agriculteurs s’avèrent les mieux placés pour reconstruire la confiance des mangeurs envers les aliments.

 

Comment les agriculteurs envisagent-ils concrètement cette reconnexion ?

Les différents intervenants du Grand Débat Syrpa sont unanimes, le monde agricole doit communiquer et cela passe par les agriculteurs ! Cela ne va pas de soi, cependant. En effet, comme le relève Hervé Le Prince de l’agence Newsens, qui accompagne l’association Agriculteurs de Bretagne : « pendant des années, la grande muette, ce n’était pas l’armée, mais l’agriculture ! ». Communiquer, donc, avec sincérité soulignent-ils tous également. « Le jeu en vaut la chandelle, même si parfois on se fait insulter » affirme Dominique Gautier, éleveuse de porcs à Treverec (22), fille et petite-fille d’éleveurs.

 

Trois axes de travail sont avancés pour réussir à rapprocher les consommateurs et les éleveurs :

  • Le monde agricole doit mieux prendre en compte les inquiétudes des consommateurs et leurs représentations fantasmées de l’agriculture, c’est-à-dire mieux les ECOUTER.
  • Communiquer c’est être transparent. Cela passe donc pour les agriculteurs par montrer ce qu’ils font. Pour Dominique Gautier, le plus important c’est de prendre soin des autres. Cela implique d’informer régulièrement ses voisins sur ce qui se passe dans sa ferme, des innovations apportées et de les inviter à venir voir pour se faire leur propre opinion. « A la fin d’une journée de Portes Ouvertes, on est fatigué mais boosté : j’adore recevoir les gens ! » dit-elle. Etienne Fourmont, éleveur sarthois de bovins et youtubeur a choisi, quant à lui, un autre mode d’expression : la vidéo. Au-delà de montrer son travail à sa communauté, forte de 60 000 personnes, c’est d’expliquer ce qu’il fait qui le motive. « Il faut aller au charbon, expliquer, expliquer et encore expliquer, il faut que les gens comprennent ! » affirme t’-il.
  • Communiquer c’est se faire comprendre. C’est- à-dire employer « des mots simples, compréhensibles par les consommateurs et sans utiliser « des mots techniques », un jargon qui effraie, soutient Dominique Gautier.                Mais dialoguer avec les consommateurs, c’est aussi l’occasion d’aborder des questions sensibles sur l’impact de l’agriculture sur l’environnement, suggère Gabrielle Dufour. Ancienne « écolo » militant, celle-ci a suivi un parcours initiatique pour mieux connaître les agricultures. Gabrielle Dufour défend aujourd’hui les agriculteurs sur les réseaux sociaux. Aussi, celle-ci invite t’-elle les agriculteurs à parler plus souvent de leur vision de l’écologie et des points d’amélioration à mettre encore en place.

Conclusion

La reconquête de la confiance des consommateurs doit se faire sur le terrain. Pour les intervenants, cela passe par un dialogue franc et authentique sans opposer les agricultures entre elles ou l’agriculture à l’écologie « Il n’y a pas de tabou », affirme Etienne Fourmont. Si apaiser l’inquiétude des consommateurs constitue un enjeu primordial pour les éleveurs leur premier objectif est de continuer à apporter aux Français une nourriture locale, saine et qualitative.