Le 9 octobre 2018, le Syrpa a eu le plaisir d’accueillir Jean-Pierre Beaudoin, consultant en communication, essayiste et professeur en sciences de la communication.

Il a échangé sur l’importance de l’opinion, reprenant des éléments qu’il a développé dans ses 4 ouvrages consacrés à ce sujet : « Être à l’écoute du risque d’opinion » (2001), « L’opinion, c’est combien ? Pour une économie de l’opinion » (2005), « Le dirigeant à l’épreuve de l’opinion » (2008) et le dernier de la série, « Des pouvoirs de l’opinion » (Ed. Manitoba, 2017). Cette rencontre, animée par Marie-Laure Hustache du think tank agridées et Vincent Manesse de l’agence de communication Opinion Valley a bénéficié également du regard et de l’analyse de Serge Papin, ancien PDG de Système U.

Pour Jean-Pierre Beaudoin, « l’opinion publique n’existe pas car il y a des opinions dans l’espace public. Il faut se libérer de l’emprise de « l’opinion publique » mise en avant par les politiques, ou ceux qui parlent en son nom. En revanche, il est souhaitable de travailler avec différents groupes qui ont des idées et des pensées diverses ». L’opinion constitue en revanche un risque normal, qui a émergé à partir du moment où les niveaux de connaissances et l’accès aux médias ont progressé. Plus que jamais à l’heure des réseaux sociaux, chacun peut se faire un jugement et le partager largement : l’opinion est ainsi devenue un mode d’organisation de la société…nous faisant passer « d’une logique de marché à une logique de société », avec ses propres urgences à traiter.

L’opinion, un phénomène générationnel

« L’opinion évolue tous les 25 ans » analyse Jean-Pierre Beaudoin. « Entre 1950 et 1975, la société demandait du progrès et de l’efficacité. Cela a pu être apporté par la science et la technique. On faisait alors confiance à l’ingénieur. Entre 1975 et 2000, le manager (et son sens du marketing) remplace l’ingénieur comme leader. On demande toujours du progrès mais pas sans éthique ni protection. Le système s’appuie alors sur les discours. Après 2000 et avec le choc du 11 septembre, de nouvelles exigences apparaissent : transparence et engagement, tandis que la globalisation ne rime plus avec sécurité et harmonie. Le dirigeant devient la figure emblématique et l’argent guide le système. Nous sommes actuellement dans une phase de transition, au terme de laquelle une nouvelle génération évoluera à partir de 2025. On passe progressivement du dirigeant au chef et les notions de gouvernance et de pouvoir prennent plus d’importance ». Serge Papin partage cette analyse, et le constat d’une défiance généralisée des consommateurs et des citoyens envers leurs institutions, et souligne « qu’il nous faudra dans ces nouvelles conditions passer de l’ère du « beau discours » sur l’engagement et la responsabilité à l’ère de la loi. C’est par l’obligation, et donc par les lois, que l’on pourra changer notre modèle.» 

L’agriculture, ce monde (trop longtemps) à part

« L’agriculture française a permis d’arriver à une abondance alimentaire permanente » souligne Jean-Pierre Beaudoin. « Pour autant, cet exploit est invisible et personne n’en prend conscience car les acteurs de l’agriculture sont inaudibles, et il reste encore de trop nombreuses boîtes noires. Ces acteurs parlent au nom du monde agricole, qui se considère comme un monde à part. C’est une erreur car l’agriculture est un secteur de l’économie comme un autre. Aujourd’hui, l’agriculture est un secteur très divisé, très particulariste, sans unité. Tout cela mène à ce que personne ne connaît plus l’agriculture. On en voit les effets mais sans en connaître le mécanisme ». Pour Serge Papin, « il faudrait que l’agriculture déploie toute son énergie à se réformer. Elle doit être réconciliante avec la planète, la santé et les agriculteurs eux-mêmes. Elle doit fixer un nouveau cap et partager cette vision avec des acteurs variés ». 

Serait-il plus que temps pour les acteurs du monde agricole d’aborder le risque de l’opinion et de le prendre en charge ?