Cette semaine, je voudrais vous proposer de comparer l’agriculture et la culture et plus précisément la production de blé et la production de livre. Il se trouve que mon épouse est agricultrice et que la moisson débute — un peu en retard cette année en raison des précipitations.
Je m’étais fait, il y a quelques temps, une réflexion sur les différences entre deux systèmes économiques du blé et du livre.
Les deux systèmes sont en fait complètement opposés. Ainsi pour le livre, je suis libre de fixer le prix comme je veux — en restant toutefois dans les prix du marché — ainsi que la quantité d’exemplaires imprimés. La fixation du prix est une prérogative de l’éditeur et le prix sera le même quelque soit le circuit de distribution. Je ne suis jamais sûr de vendre la totalité du tirage. En fait, cela n’arrive pratiquement jamais et quand cela arrive rapidement après la sortie du livre, on procède à une réimpression, ce qui fait qu’il reste toujours des exemplaires invendus.
Pour le blé, les choses sont différentes. La quantité produite n’est jamais certaine — d’autant plus ces dernières années suite aux conditions météorologiques particulières — et n’est connue qu’une fois la moisson terminée. La différence de rendement selon les années est davantage liée aux conditions météorologiques qu’à la qualité (régulière d’une année sur l’autre) du travail de l’agriculteur. Ce dernier est assuré de vendre la totalité de sa récolte, mais sans réellement maitriser son prix de vente. Le prix des céréales est très variable et est fixé au niveau mondial. En ce moment, le prix du blé est très élevé, autour de 215 € la tonne. Il était à 180 € la tonne l’année dernière à la même époque. L’agriculteur ne maitrise donc pas son prix de vente. Il peut juste pré-vendre une partie de sa récolte à venir lorsque les prix sont hauts ou garder ses stocks en attendant que les prix montent.
Autre petite particularité du monde agricole, on calcule la production en quintaux à l’hectare mais on la vend avec un prix à la tonne. Si l’on fait un petit calcul rapide, en partant d’un rendement de 80 quintaux à l’hectare et d’un prix de 200 € la tonne, un hectare de blé tendre va donc reporter @1 600 € à l’agriculteur . Sachant qu’un hectare de blé permet de fabriquer 25 000 baguettes de 250 g et que la baguette se vend en moyenne 0,88 € (chiffres Insee), cet hectare permet donc de générer un chiffre d’affaires de 22 000 €, soit près de 14 fois la somme payée à l’agriculteur…
Laurent SEMINEL, dans Menu Fretin