Le 30 avril, le sénateur Jean Bizet recevait des membres du Syrpa pour débattre de la PAC avec l’agro-économiste Jean-Marie Séronie.

 

Pour le sénateur Jean Bizet, président de la Commission des affaires européennes du Sénat, “la PAC est une politique qui est de moins en moins appréhendée par nos partenaires comme une politique stratégique pour l’Union européenne au regard des réactions des autres États continents qui y consacrent des sommes croissantes à contre-courant de l’Europe. La PAC est une politique qui doit rester compétitive sur le marché, innovante au regard de l’environnement et rémunératrice pour les agriculteurs.” De moins en moins efficace, de plus en plus illisible, de moins en moins commune, la PAC est aujourd hui à bout de souffle. Dans son dernier essai « PAC et mondialisation, une politique européenne encore commune ? », Jean-Marie Séronie se pose trois questions : comment en sommes nous arrivés là ? Les conditions actuelles permettent-elles une vraie réforme ? A moyen terme quelle PAC imaginer ?

De ce regard croisé sur la PAC avec Jean-Marie Séronie et le Sénateur Bizet, il en ressort notamment la nécessité de renforcer la politique assurantielle pour l’agriculture française tout en conciliant compétitivité, enjeux environnementaux et produits de qualité.

La politique agricole commune est sans doute à bout de souffle. Critiquée par toutes les parties prenantes, elle risque la disparition. Il faut donc la réformer en profondeur. Une véritable réforme de l’ampleur de celle de 1992 est cependant peu probable actuellement. L’Union Européenne traverse une phase de grande incertitude liée au Brexit et une fragilité interne liée au relâchement des liens franco allemands comme à la montée des nationalismes.

La réforme proposée par Phil Hogan ne porte pas d’ambition politique, propose peu d’évolution des instruments de la PAC et se concentre sur le système de mise en œuvre. Le commissaire propose une délégation très forte aux Etats membres. L’Union se contenterait de fixer des grands objectifs à charge des états de membre de les déployer dans des plans stratégiques à faire valider par la commission. On a l’impression que la commission, lassée des critiques dont elle fait l’objet des difficultés d’arbitrage entre les Etats, cherche à se retire de la mise en œuvre de la PAC. Ce faisant elle prend le risque d’une renationalisation conduisant de facto à une disparition progressive de la PAC. C’est pourquoi la commission agricole du parlement à adopter des amendements allant dans le sens de « davantage de commun ».

Jean-Marie Séronie, dans son ouvrage « PAC et mondialisation une politique européenne encore commune ? » propose plusieurs évolutions à moyen terme de la PAC articulées autour de trois idées :

– Davantage protéger les agriculteurs des risques de marché par un système assurantiel commun et géré au niveau de l’Union Européenne

– Passer progressivement d’une aide au revenu sans doute condamnée à terme, à un accompagnement financier de la transition agro-écologique.

– Prendre davantage en compte l’emploi et les actifs agricoles dans les mécanismes de soutien plutôt que le nombre d’hectares ou d’animaux.

Il s’interroge également sur l’intérêt de renforcer la dimension économique de la PAC en séparant un volet économique et un volet solidarité pour les exploitations de moins de 10 000 euros de chiffre d’affaires qui représentent aujourd’hui 70% des exploitations européennes. Après les élections européennes et la mise en place d’une nouvelle commission une fenêtre d’opportunités pourrait s’ouvrir pour réorienter vers une vraie réforme. Cela dépendra à la fois des équilibres politiques et de la personnalité du futur commissaire. Un agronome du sud comme l’ancien commissaire D Ciolos ou un libéral du Nord  avec une approche très commerçante comme Phil Hogan ne proposent pas les mêmes politiques. En tout état de cause la PAC actuelle se poursuivra au-delà de son terme initial du 31/12/2020 et pourrait être prolongée de deux ans voire plus si la future commission souhaite engager une réforme en profondeur.